Fuck America - Ambiance New Yorkaise

Il y a quelques années, en me baladant dans les allées du Furet du Nord à Boulogne sur Mer, j'étais tombé sur un roman au titre particulièrement évocateur, "Fuck America". Après lecture, il fut une double révélation pour moi. D'une part, la découverte d'Edgar Hilsenrath, écrivain d'origine allemande et juive injustement méconnu dans nos contrées françaises, et d'autre part, la rencontre avec un personnage fascinant, Jakob Bronsky, qui n'est autre que le double littéraire de l'auteur.


Ce qui rend "Fuck America" si particulier et si captivant, est son essence profondément autobiographique. L'auteur nous offre un récit brut, sans fard, où la vie dans ce qu'elle a de plus réel, de plus cru, se dévoile à chaque page. L'humour et la vitalité qui s'en dégagent sont contagieux, et pourtant, cela n'atténue en rien la gravité et la profondeur de la réflexion sous-jacente. Ce livre est une pépite littéraire qui surprend et réjouit, une belle surprise que je ne peux m'empêcher de vous recommander.

L'histoire nous emmène dans le quotidien de Jakob Bronsky, qui, en 1952, pose ses valises aux États-Unis. Survivant du ghetto pendant la guerre, cet immigrant juif porte en lui les stigmates d'un passé douloureux. L'Amérique, loin de l'eldorado rêvé, se révèle être une jungle impitoyable où notre personnage doit apprendre à survivre une fois de plus. Installé à Broadway, il enchaîne les emplois précaires tout en fréquentant assidûment une cafétéria, lieu de rassemblement de la communauté juive. Mais Jakob nourrit une ambition, celle de devenir écrivain. Nuit après nuit, il travaille sur son roman, une œuvre inspirée de sa propre existence, qu'il intitule "Le Branleur".

Le charme irrésistible de l'oeuvre réside essentiellement dans son protagoniste, véritable anti-héros, captif par son authenticité et sa résilience. On se prend d'affection pour lui, on espère ardemment qu'il parvienne à s'extirper de sa condition. Suivre ses tribulations, c'est s'engager aux côtés d'un homme dans sa quête héroïque d'une vie meilleure, malgré les obstacles qui jalonnent son chemin d'immigré.

Edgar Hilsenrath excelle dans l'art de dépeindre, avec une justesse et un humour désarmants, des thématiques aussi lourdes que l'exil, la pauvreté, ou encore la solitude. Sa plume, vive et empreinte d'une spontanéité qui frôle le langage parlé, confère au roman une tonalité unique. L'humour, souvent noir, absurde, parfois teinté de macabre, n'épargne aucun sujet, pas même les plus tabous, comme la Shoah, abordée ici avec une ironie distanciée qui n'a pas manqué de susciter la controverse.

"Fuck America" est indéniablement un livre qui dérange, qui fait rire, qui émeut. C'est une véritable friandise littéraire. Vous ne ressortirez pas insensible à cette lecture.
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