Les exoplanètes riches en eau - Un nouveau regard sur l'habitabilité
Quand l'abondance d'eau dans le cœur des planètes pourrait être la clé de la vie extraterrestre.
Dans la quête fascinante de la vie extraterrestre, les scientifiques ont longtemps considéré la présence d'eau liquide à la surface d'une exoplanète comme un indicateur clé de son habitabilité potentielle. Des recherches récentes menées par Caroline Dorn, géophysicienne à l'ETH Zurich en Suisse, suggèrent cependant que la réalité pourrait être bien plus complexe et intrigante.
Trop d'eau: un obstacle à la vie ?
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, un excès d'eau à la surface d'une planète pourrait en réalité entraver l'apparition de la vie. Sur Terre, l'océan est en contact direct avec la croûte rocheuse, permettant des échanges chimiques essentiels. Mais sur des planètes possédant une quantité d'eau beaucoup plus importante, la pression exercée par l'océan pourrait être telle qu'une couche de glace à haute pression se formerait entre l'eau et le substrat rocheux. Cette barrière de glace empêcherait les échanges de minéraux et de composés chimiques entre les roches et l'eau, rendant théoriquement l'océan stérile et impropre à la vie telle que nous la connaissons.
Une nouvelle perspective: l'eau dans le cœur des planètes
L'équipe de Caroline Dorn propose une théorie novatrice, même les exoplanètes ayant suffisamment d'eau pour former cette glace à haute pression pourraient abriter la vie, à condition qu'une grande partie de leur eau soit stockée non pas dans les océans de surface, mais dans le cœur même de la planète. Cette eau, présente dans le noyau, ne peut pas soutenir la vie directement car elle n'y existe pas sous forme moléculaire. Sa présence signifie malgré tout qu'une fraction substantielle de l'eau de la planète n'est pas en surface, ce qui rend les océans superficiels moins profonds et empêche la formation de glace à haute pression à leur base.
Une révolution dans notre compréhension de la formation des planètes
Il y a encore quelques années, la communauté scientifique pensait que l'eau ne pouvait être présente qu'à la surface des planètes. On supposait que les mondes extraterrestres étaient construits comme on pensait que la Terre l'était, avec l'eau principalement présente dans les océans de surface et une petite partie (environ 40 millions de kilomètres cubes) retenue plus profondément dans la croûte. Mais en 2020, une étude publiée par des scientifiques de l'University College London a bouleversé cette conception. La majorité de l'eau sur Terre ne se trouverait pas dans les océans ou la croûte, mais dans le cœur de la planète. Le noyau terrestre pourrait en contenir 30 à 37 fois plus que tous nos océans de surface réunis.
La formation des planètes: un processus complexe
Lorsqu'une planète est jeune et chaude, elle est composée d'une "soupe" de magma où tout est mélangé, des silicates qui formeront plus tard le manteau, mais aussi des gouttes de fer qui finiront par couler pour former le noyau. Une partie de l'eau présente dans ce magma s'associe aux silicates et peut un jour se retrouver dans les océans de surface. Une autre partie reste liée au fer et descend avec lui pour former le noyau. Dans les conditions extrêmes de température et de pression qui règnent dans ces mondes naissants, le fer peut lier environ 70 fois plus d'eau que les silicates. En règle générale, plus une planète est lourde, plus une grande partie de son eau descendra dans le noyau et y restera.
Des implications majeures pour la recherche de vie extraterrestre
Cette nouvelle compréhension de la distribution de l'eau dans les planètes a des implications importantes pour notre recherche de vie dans l'espace. Elle signifie que le nombre de mondes potentiellement habitables pourrait être beaucoup plus important que ce que l'on pensait auparavant. Avant l'étude de Dorn, lorsqu'on découvrait une exoplanète avec un budget en eau exceptionnellement élevé, on supposait que cette dernière se trouvait dans ses océans de surface, ce qui impliquait des océans extrêmement profonds avec des pressions incroyablement élevées à leur fond. Maintenant que nous pensons que l'eau peut également être stockée dans le noyau, une planète peut en avoir dix fois plus avant d'atteindre ces hautes pressions. Malgré ces avancées théoriques, la détection de preuves concluantes de vie sur ces planètes reste un défi immense. Le télescope spatial James Webb, bien que capable d'effectuer des analyses spectroscopiques sur des mondes lointains, ne peut observer que les couches supérieures de l'atmosphère des exoplanètes. L'équipe de Caroline Dorn cherche donc à établir un lien entre l'atmosphère et les profondeurs intérieures des corps célestes. Si de l'eau est détectée dans l'atmosphère d'une planète, il y en a probablement beaucoup plus dans son intérieur. La composition des couches supérieures de l'atmosphère n'est cependant pas toujours représentative de celles sous-jacentes.
Vers de nouvelles frontières
Pour l'avenir, Dorn place ses espoirs dans les expériences de laboratoire visant à comprendre comment les matériaux se comportent et interagissent entre eux, en particulier l'interaction entre les gaz et les composants rocheux. Ces connaissances permettront d'améliorer les modèles et de mieux interpréter les données interplanétaires. Parallèlement, elle participe au développement de LIFE (Large Interferometer for Exoplanets), un télescope qui pourrait un jour remplacer James Webb. Cet instrument pourrait nous rapprocher de la détection de dioxyde de carbone, de méthane, d'eau et peut-être même de vie sur des mondes extraterrestres. Alors que notre compréhension de l'univers s'approfondit, il devient clair que la quête de la vie extraterrestre est plus complexe et plus fascinante que jamais. Ces découvertes récentes ouvrent de nouvelles perspectives passionnantes, élargissant considérablement le champ des mondes potentiellement habitables. L'avenir de l'exploration spatiale s'annonce plus prometteur que jamais.