Dans les couloirs de la Silicon Valley se dévoile une histoire fascinante, celle d'une entreprise qui, tout en stockant les informations du monde entier, a développé une culture interne obsédée par la suppression de ses propres communications. Fin 2008, Google, confronté à des enquêtes antitrust et à des poursuites concernant des brevets, marques et droits d'auteur, a envoyé un mémo confidentiel à ses employés. Le message était clair, éviter la spéculation, le sarcasme et "réfléchir à deux fois" avant d'écrire sur des sujets sensibles. Le géant américain a mis en place une série de mesures sophistiquées. Les paramètres de messagerie instantanée ont été modifiés pour être "off the record" par défaut, effaçant automatiquement les conversations du jour au lendemain. Cette approche est devenue le premier pas d'une campagne de 15 ans visant à faire de la suppression la norme dans les communications internes.
Les outils de protection
Google a développé plusieurs mécanismes de protection, l'utilisation extensive du privilège avocat-client, des restrictions technologiques sur ses propres outils et des avertissements constants sur les dangers des communications imprudentes. Cette culture de la suppression n'est pas passée inaperçue. Dans trois procès antitrust récents, les juges ont sévèrement critiqué ces pratiques. Le juge James Donato a notamment parlé d'une "culture systémique enracinée de suppression des preuves pertinentes". Cette approche trouve ses racines dans l'histoire de Microsoft. En 1998, quand Google a été fondé, la firme de Redmond faisait face à des poursuites antitrust où ses propres mémos internes ont été utilisés contre elle. Cette expérience a profondément marqué la génération suivante d'entreprises technologiques.
La nouvelle politique
Face aux critiques croissantes, Google a finalement modifié ses procédures en 2023. Désormais, la conservation des communications est devenue la norme, y compris pour les discussions instantanées. Certains employés continuent malgré tout de chercher des moyens alternatifs comme WhatsApp, pour maintenir leur discrétion. Cette politique a créé une atmosphère de méfiance et de prudence excessive. Le personnel a appris à éviter certains mots et expressions, transformant la communication interne en un exercice d'autocensure permanent. L'histoire de Google illustre parfaitement le paradoxe d'une entreprise qui, tout en prônant l'accès à l'information pour tous, a développé une culture interne basée sur la suppression et le contrôle de l'information. Cette approche, bien que compréhensible d'un point de vue juridique, soulève des questions importantes sur la transparence et la responsabilité des géants du secteur.