La bataille entre Elon Musk et la justice brésilienne s'intensifie
Quand la technologie défie le Droit.
Dans le monde numérique d'aujourd'hui, où les réseaux sociaux jouent un rôle prépondérant dans la diffusion de l'information et la formation de l'opinion publique, une confrontation sans précédent se déroule entre le milliardaire Elon Musk et la plus haute instance judiciaire du Brésil. Cette saga, qui met en lumière les enjeux complexes de la liberté d'expression à l'ère digitale, a pris un nouveau tournant spectaculaire ces derniers jours.
Un bras de fer juridique
Tout a commencé le 30 août dernier, lorsque le juge Alexandre de Moraes, figure influente de la cour suprême brésilienne, a ordonné le blocage de X sur l'ensemble du territoire national. Cette décision, motivée par la volonté de lutter contre la propagation de discours d'extrême droite jugés anti-démocratiques, a immédiatement suscité une vive polémique. Elon Musk, propriétaire de la plateforme et connu pour son franc-parler, n'a pas tardé à réagir. Refusant de se plier à ce qu'il considère comme une atteinte à la liberté d'expression, il a entrepris de contourner le blocage. Le 6 septembre dernier, contre toute attente, X est redevenu accessible à de nombreux utilisateurs brésiliens. Cette résurrection soudaine a été rendue possible grâce à une mise à jour astucieuse utilisant des services cloud tiers tels que Cloudflare, Fastly et Edgeuno. Cette manœuvre technique leur a permis de se reconnecter au réseau social sans avoir recours à un VPN, dont l'utilisation est également interdite dans le pays. Face à cette situation, X s'est empressé de qualifier ce retour de "restauration de service involontaire et temporaire pour les utilisateurs brésiliens". Le juge Moraes n'a pas été dupe. Dans une déclaration cinglante, il a accusé la plateforme d'avoir mené un effort "délibéré, illégal et persistant" pour contourner l'ordonnance de blocage du tribunal.
La réponse judiciaire: des sanctions financières colossales
En réponse à ce qu'il considère comme un affront direct à l'autorité judiciaire brésilienne, le juge a pris des mesures draconiennes. Il a imposé une amende quotidienne de 5 millions de reais (environ 824 600 euros) tant que X restera accessible au Brésil. Cette décision s'appuie notamment sur un message cryptique publié par Elon Musk lui-même sur la plateforme:
"Toute magie suffisamment avancée est indiscernable de la technologie."
Pour le juge Moraes, ce post ne laisse "aucun doute sur le fait que la plateforme X, sous le commandement direct d'Elon Musk, a l'intention, une fois de plus, de manquer de respect à la justice brésilienne".
Un conflit aux ramifications multiples
L'affaire prend une dimension supplémentaire avec l'implication potentielle de Starlink, le fournisseur d'internet par satellite d'Elon Musk. Le juge a en effet statué que si X ne s'acquitte pas des amendes, comme ce fut le cas pour les précédentes pénalités de 18,3 millions de reais (3 020 878 d’euros), l'obligation incombera à Starlink. Cette décision s'explique par le fait que X n'a plus de représentant légal au Brésil, une obligation pourtant inscrite dans la loi du pays et l'une des raisons ayant motivé l'interdiction initiale. Le juge affirme ainsi que, les deux entreprises partageant le même propriétaire, Starlink devient "solidairement responsable" des amendes dues par le réseau social.
Les réactions politiques
L'ancien président d'extrême droite Jair Bolsonaro a saisi l'opportunité du retour temporaire de X pour publier un long message défendant Elon Musk et critiquant le juge Moraes. Faisant l'objet de plusieurs enquêtes liées à une tentative présumée de coup d'État visant à le maintenir au pouvoir, il a félicité "tous ceux qui exercent une pression en défense de la démocratie au Brésil". Selon lui, X a été banni pour avoir remis en question des décisions judiciaires qui exigeaient non seulement la suppression de posts spécifiques, mais aussi l'exclusion permanente de comptes, accusant qu’il s'agit là de censure préalable. La cour suprême, qui soutient la décision du juge Moraes d'interdire la plateforme, a constaté que celle-ci refusait de supprimer des comptes diffusant de fausses informations, des discours de haine et des incitations au crime. Parmi ces contenus problématiques figuraient notamment des menaces à l'encontre d'agents de la police fédérale impliqués dans des enquêtes sur les milices numériques et la tentative de coup d'État.
Un débat sociétal
Cette affaire soulève des questions fondamentales sur l'équilibre délicat entre la liberté d'expression et la nécessité de lutter contre la désinformation et les discours extrémistes. Elle met également en lumière les défis posés par les géants technologiques transnationaux face aux juridictions nationales. Alors que le bras de fer se poursuit, l'issue de ce conflit pourrait bien avoir des répercussions durables sur la régulation des réseaux sociaux à l'échelle mondiale.